En réflexion...

LE DIEU DES ATHEES, DES AGNOSTIQUES ET DES CHRETIENS

Entreprise absurde ? On pourrait le croire puisque, par définition, Dieu appartient au monde des croyants. Entreprise vaine ? Dans la mesure où athées comme croyants ont déjà fait leur choix, il y a peu de chance que les uns et les autres soient convaincus d’adhérer à leur position contraire. Alors pourquoi vouloir dialoguer ? C’est toute l’audace comme le pari de ce livre puisque son auteur n’hésite pas à lancer : «  Mon hypothèse consiste à considérer que Dieu est finalement le grand point commun entre athées, agnostiques et croyants. » Affirmé ou nié, Dieu resterait-il, sans risque de récupération, « au cœur de nos interrogations sur le sens du monde et de la vie » ? Oui, répond Michel Salamolard, par ailleurs théologien et prêtre, mais ici essentiellement philosophe. Philosophe à la fois rigoureux, objectif, respectueux des thèses qu’il ne partage pas et surtout ouvert à ce dialogue jugé nécessaire, à l’écoute de ceux qui pensent autrement.

Ce livre mérite d’être visité et médité. Car l’athée comme l’agnostique seront confortés à l’idée qu’ils y sont entendus sans être récupérés. Et le croyant comprendra qu’il y a en lui une part d’athéisme ou d’agnosticisme dans la mesure où il n’a jamais vu Dieu et que des preuves éventuelles de son existence ne font pas encore un acte de foi. Dieu se présente ici comme cet inconnu qui n’est pas réductible à l’idée qu’on s’en fait et qui, s’il existe et nous aime, ne se manifestera jamais autrement que dans le mystère de sa présence invisible, dans l’intimité d’une conscience individuelle.

Le choix de M.Salamolard est celui d’une position rarement rencontrée. Après deux siècles où athées et croyants se sont combattus en proie à une hostilité de taille  (songeons à  l’athéisme virulent de Nietzsche, au communisme pourfendeur des religions), athées, agnostiques et croyants sont maintenant invités à se parler, à se rencontrer pour dialoguer et s’enrichir de leurs approches communes possibles, notamment sur le plan éthique.

Selon l’auteur, la quête philosophique « est une fenêtre ouverte sur le mystère » et il y a trois attitudes possibles. On peut « fermer la fenêtre » et décréter qu’il n’y a pas de mystère, que la science expliquera tout comme on le proclamait au 19ème siècle sous l’égide d’un athéisme pur et dur. On peut ensuite « agiter une pancarte devant la fenêtre » et avancer que la question est bonne – par exemple pourquoi y a-t-il un univers plutôt que rien – tout en soutenant qu’elle ne trouvera jamais de réponse, comme le pensent maints agnostiques. On peut enfin « regarder par la fenêtre » et accueillir le mystère d’une pensée ouverte sur l’infini, sur l’invisible, sur une dimension spirituelle qui nous dépasse, mais dont on évite de décréter l’inexistence ou l’inutilité tout en ne lui collant pas par aileurs d’entrée l’étiquette divine. Ainsi en est-il déjà et surtout question au cœur même de notre condition humaine quand il s’agit de notre propre conscience, de notre insondable univers intérieur, de notre intelligence habitée d’une soif sans fin de savoir, de notre esprit capable de créer, d’inventer, de s’élever vers le bien, le vrai, le beau, sans autre but que la valeur gratuite d’une œuvre. Et par-delà ces formes d’aspirations communes à tous, quelles que soient leurs convictions au sujet de Dieu, il y a et il y aura cette question à jamais incontournable : pourquoi sommes-nous d’abord faits pour aimer ?

« Comment expliquer en effet que cette expérience, la plus vitale pour nous, soit en même temps celle qui échappe à notre prise ? » Ne sommes-nous pas là au cœur d’un puissant paradoxe ? Athées ou croyants, nous cherchons tous le bonheur, mais ce bonheur tant recherché est impossible à définir a priori. Si on nous demande ce qu’il est, nous ne savons pas répondre, mais si on ne nous le demande pas, nous savons que nous le cherchons derrière nos désirs parce que nous le sentons proche tout au fond des retentissements les plus intimes de notre être, dans ce que nous appelons le cœur, cette zone si mystérieuse mais si réelle de notre harmonie intérieure avec nous-même, avec celles et ceux qui nous aiment et que nous aimons. L’amour que nous visons ne peut être qu’offert et nous aspirons à sa source. Mais nous voilà démunis quand il s’agirait d’en vouloir épuiser le mystère.

Ce qu’il convient de souligner avant tout, c’est la tonalité bienveillante des idées et propositions avancées dans ce livre. Qu’il s’agisse du dialogue engagé avec trois auteurs contemporains agnostiques ou athées comme Paolo Flores d’Arcais, André Comte-Sponville ou Luc Ferry, qu’il s’agisse de références à Marx, Freud, Nietzsche ou à des scientifiques, mais aussi nombre de mystiques et théologiens de la tradition chrétienne généreusement convoqués, Michel Salamolard offre à tous une attention fidèle et objective dans le souci d’accueillir sans convertir, tout en présentant ses convictions de croyant serein, loin de tout esprit dogmatique. En somme, un livre qui parle à tous de trésors communs à visiter pour ouvrir les voies d’un avenir prometteur.

François Gachoud

Michel Salamolard : Dieu des athées, des agnostiques et des chrétiens. Jalons pour un dialogue. Ed. St.Augustin, 255 pp.

SALAMOLARD-DIEU-LI-06-08-2011pdf

 

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L’essai de Michel Salamolard est un pari sur l’avenir. Il pose des jalons pour un dialogue ouvert et sans ambiguïté.

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