La fin des commerces de proximité nous menace-t-elle?
A la fin de ce mois de juillet 2023, la quincaillerie Morard à Bulle /Suisse, disparaîtra et sa mort signera l’effacement d’un monde familier. Pas seulement celui qui incarna des décennies durant le vivant symbole d’un petit commerce unique en son genre, mais un lieu attachant par les qualités de son personnel toujours accueillant et disponible, un lieu incomparable où l’on trouvait à peu près tout ce qui fait défaut à nos grandes surfaces : en un mot une âme.
Car l’âme d’un lieu, c’est là où le contact humain est chaleureux, où l’on sent une atmosphère particulière, où l’on aime y retourner pour chercher ce qu’on ne trouve pas ailleurs. J’ai trouvé là des réparations possibles pour des objets qu’aucun autre commerce n’est prêt à accepter, même auprès de son service après-vente ou au-delà des mois de garanties conventionnelles. Chez Morard en effet, on réparait et on faisait dans ce but tout ce que l’on pouvait alors que dans bien des magasins on vous renvoie en vous disant : « Cela ne se fait plus » ou « Cela ne vaut pas la peine ». Ou encore :« Il vaut mieux acheter du neuf… ce sera moins cher ! ». Du neuf qui parfois, quelques temps plus tard, tombera en panne.
Ce que réalisent beaucoup de citoyens bullois qui regrettent la triste fin de cette mémorable quincaillerie, c’est la disparition d’un monde qui ne renaîtra plus. N’assistons-nous pas à la prise de conscience qu’aujourd’hui plus rien ne va durer, que tout est désormais programmé au nom d’une obsolescence calculée, que tout finalement s’effacera comme les châteaux des enfants qui s’écroulent parce qu’ils sont bâtis sur du sable ?
Ce qui tue l’âme de tels lieux, ce sont deux ennemis mortels : le culte du progrès sans limites et le seul profit recherché. Il n’est peut-être pas trop tard pour y songer. Et sérieusement.
François Gachoud, philosophe, Bulle
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