MASSACRE A NEWTOWN
De Ban Ki-moon à Elisabeth II, de Benoît XVI au Dalaï-Lama et à de nombreux chefs d’Etat, partout dans le monde des réactions horrifiées. On ne trouve plus les mots pour tenter d’exprimer ce qui dépasse complètement l’entendement. Le président Obama lui-même, devant ce cauchemar impensable, s’est montré dépassé. Il est rare de voir l’homme le plus puissant de la planète manifester pareille impuissance. En choisissant, très ému, de parler comme un père meurtri par le massacre de ses enfants, il a adopté le seul ton qui convienne en ces circonstances : la langage de la compassion. Mais la compassion, si nécessaire soit-elle pour dire l’immense souffrance collective des Américains, est elle-même un aveu d’impuissance. Car la question, toujours plus lancinante, demeure : comment arrêter ces massacres, comment mettre fin à cette contagion mortifère ? Face au non-sens total de cette escalade dans l’horreur, on a atteint l’extrême limite du supportable.
Que s’est-il passé dans la tête du jeune assassin pour qu’il commence par tuer sa propre mère avant de forcer la porte de sa propre école pour supprimer à bout portant vingt enfants de 6-7ans ? Quelle que soit l’hypothèse avancée pour tenter de justifier pareil passage à l’acte, nous ne trouvons pas de réponse satisfaisante. On peut certes évoquer le coup de folie, mais cela n’explique ni comment ni pourquoi Adam Lanza, si solitaire fût-il, a décidé soudain de tuer sa mère et tant d’enfants si petits. Il y a en ce cas une telle incapacité de percevoir le prix de la vie humaine qu’on se perd en conjectures sur les raisons qui peuvent y conduire. Mais le fait est là, incontournable. Et la question se pose toujours plus urgente : comment mettre fin à l’escalade dans les massacres ?
Bien entendu, on évoque le deuxième amendement de la Constitution américaine qui permet à tout citoyen de se procurer une arme. Il y a près de 300 millions d’armes actuellement en circulation aux Etats-Unis. Barack Obama a promis d’entreprendre « des actions significatives pour combattre ces tueries ». Mais la presse est incrédule sur les moyens à mettre en place. Car c’est la mentalité des citoyens qu’il faudrait pouvoir changer. Force est de constater qu’aussi bien dans le camp républicain que dans une partie du camp démocrate, on reste opposé à la suppression des ventes d’armes. Certains avancent de leur côté qu’on a renforcé la réglementation sur ces ventes. Mais comme la législation actuelle diffère d’Etat à Etat, on ne voit pas comment résoudre le problème au plan fédéral. Obama va certes alerter le Congrès et appeler l’opinion américaine à manifester une prise de conscience pour faire cesser ces massacres, mais on peut craindre qu’il échoue à persuader le Congrès et qu’une fois l’émotion vive du moment retombée, l’escalade de l’horreur se poursuive.
Tout ce qu’on peut souhaiter pour l’heure, c’est que les circonstances innommables de cette tragédie réveillent la conscience morale d’un peuple aujourd’hui traumatisé. C’est peut-être là le seul atout qui se trouve dans les mains du président américain. Mais sa résolution suffira-t-elle à mobiliser les consciences ?
François Gachoud