En réflexion...

L’EGLISE AU CARREFOUR DE CHOIX NOUVEAUX ?

SUCCESSION PAPALE. Il a fait la une des médias partout en prenant tout le monde de court. La démission de Benoît XVI, aussi inattendue qu’imprévisible, suscite l’interrogation : et après ? On a sans doute eu raison de saluer cette décision comme un acte libre, lucide, courageux et surtout humble. Comme une leçon de sagesse en somme. Ne convient-il pas de se demander maintenant quel futur elle annonce ? Car si le pape laisse la place parce qu’il juge ne plus pouvoir assumer sa charge, n’est-ce pas aussi parce qu’il est bien conscient de réformes à entreprendre, de choix nouveaux à formuler ?

Par-delà les intrigues récemment dévoilées dans la curie romaine, une centralisation vaticane jugée excessive, mais aussi des scandales aussi graves que les affaires de pédophilie, l’heure semble venue de rénover en profondeur la seule chose qui doit importer au successeur de Pierre et aux évêques du monde entier : comment annoncer aujourd’hui le message du Christ au plus près de son exemple de vie, tel que les Evangiles en témoignent de bout en bout ? Quand on relit ces textes, qu’y voit-on qu’on ne sait plus assez voir ? Qu’il ne s’agit certainement pas d’établir une institution puissante, mais des communautés fraternelles fondées sur le seul service des autres, à commencer par les plus démunis, les laissés-pour-compte, toutes celles et ceux finalement dont la dignité est meurtrie et non reconnue. De l’accueil de la Samaritaine ou de la femme adultère pardonnée à celui du brigand sur la croix et de tous les pécheurs réprouvés, Jésus n’a cessé de vouloir briser les lois inhumaines, celles de l’injustice et du profit, de l’hypocrisie et du manque de compréhension et d’amour.

Il ne s’agit pas d’abord de l’appareil institutionnel, même s’il en faut un. Il s’agit d’un fossé qui, au cours du temps, s’est creusé entre le poids de l’institution rien qu’humaine, mais trop humaine, et la vision chrétienne de l’humain qu’il s’agit de promouvoir et de rendre vivante dans le monde. Or, au cœur de cette vision chrétienne, il y a au fond deux valeurs fondatrices : Dieu ne vit qu’au plus profond du cœur de chacun et il n’est venu parmi nous que comme un Dieu qui libère. Depuis que la religion a cessé de structurer l’espace public et social, d’y exercer le contrôle d’autrefois, depuis que tant de gens ont largué l’institution et vivent comme s’ils n’avaient plus besoin de Dieu, c’est un nouveau visage de Dieu qu’il s’agit de présenter au monde : un Dieu d’amour réellement incarné dans la chair et le cœur de tout humain rencontré. Ce qui caractérise le christianisme, ce n’est pas un Dieu lointain des hauteurs, c’est le Dieu humble des profondeurs. L’Evangile ne nous montre pas un Dieu bardé de pouvoirs, mais un Dieu venu loger au cœur du fini pour nous donner soif d’infini. L’infini d’un amour capable de triompher des forces du mal et même de la mort : le Christ n’est-il pas ressuscité pour tenir cette promesse comme un gage d’espérance ?

Ce sont ces valeurs-là que l’Eglise est chargée d’annoncer et de faire vivre et cela ne changera pas. A quelques jours du conclave, il est sans doute opportun de le rappeler. Ce qui n’empêche nullement de souhaiter des réformes ou des ouvertures là où des problèmes et des questions, fussent-elles délicates, suscitent des attentes : sur le rôle de l’institution et son poids, sur celui des femmes, sur le statut des divorcés, du célibat des prêtres, des unions libres ou homosexuelles, de la contraception, du suicide, de la pédophilie et d’autres encore comme le dialogue interreligieux ou celui avec les non-croyants. Ne pas attendre certes que ces questions soient résolues pour se mettre au diapason de ce qui fait « tendance », mais oser les aborder sereinement avec le respect des personnes et des enjeux. En se demandant au fond : comment le Christ aurait-il lui-même répondu à ces questions ?

François Gachoud

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