En réflexion...

MEDITER POUR VIVRE HEUREUX

Voici un livre d’une simplicité redoutable. On croit trop souvent que la simplicité va de soi, qu’elle est donnée, qu’on y accède sans effort. Erreur ! Elle est l’aboutissement d’un long chemin, le fruit d’un apprentissage qui demande patience et temps. Pour cette raison essentielle: on ne devient simple que dans la profondeur. Celle de la découverte préalable de soi et des autres. C’est la quête de cette découverte-là que Jacques de Coulon nous propose.

Au seuil du chemin, il y a cette question : à quoi les humains aspirent-ils de tout leur être ? A la recherche du bonheur. Et qu’est-ce qui leur échappe ? Le bonheur jusement. Car nous le cherchons là où il n’est pas, dans la satisfaction immédiate de nos désirs : tout tout de suite et sans effort ! Le problème, selon J. de Coulon, c’est que nous voyons le monde à l’envers. Nous nous hâtons de consommer ce que nous voulons avoir alors qu’il s’agit d’être. Nous omettons de donner toute sa place à l’esprit. Cet esprit qui est par excellence la faculté capable de nous révéler à nous-mêmes. C’est donc  en l’explorant que nous pourrons comprendre qui nous sommes. Et découvrir que nous sommes bien plus que ce que nous croyons être.

Nous sommes là au seuil d’une des questions les plus chère à la philosophie. Mais pas seulement. Car l’approche de l’esprit ne se fait pas à coup de concepts et de formules abstraites. Elle postule une démarche bien particulière. Et c’est là qu’intervient la méditation. Pourquoi la méditation ? Parce qu’il s’agit à la fois de penser une réalité intérieure qui ne se voit pas et de l’expérimenter vraiment au cœur de notre vécu. Méditer, c’est au fond s’arrêter, suspendre le rythme souvent effréné de nos activités et descendre en soi pour explorer le territoire inconnu de notre vie intérieure. C’est se ressourcer en trouvant le centre de gravité caché au fond de soi. Ce centre est bien réel, mais il est invisible. Nous sommes un peu comme la roue. Nous vivons à sa périphérie alors qu’il s’agit d’aller à son centre, le moyeu, c’est-à-dire ce lieu apparemment vide, invisible, dont tout le mouvement circulaire dépend. Nous tournons sans cesse sur la roue de la vie et ce que l’auteur nous propose ici, c’est d’apprendre à descendre au centre bien réel mais invisible de notre être intérieur. Comment conduire cette exploration-là ? Pas de recettes, mais des suggestions d’itinéraires et des exercices pratiques qui facilitent la découverte.

Il n’est pas du tout évident de circonscrire ce lieu invisible où réside et agit l’esprit. Car il est vide de formes représentables, sans contours, sans couleurs ni dimensions, il est au-delà des représentations imagées et des concepts abstraits. Il est au fond cette pure présence à soi qui a un pouvoir absolument unique. Lequel ? Celui de tout éclairer de l’intérieur. Et surtout, selon les sages, de faire briller la joie. Nous y voilà : la joie, quand nous l’éprouvons, a, au fond de nous, ce pouvoir de tout irradier et de rendre heureux. Comprenons alors que cette révélation ne va pas sans un travail sur soi. La forme de ce travail, c’est la méditation.

L’essai de Jacques de Coulon nous montre bien que toutes les grandes traditions proposent des itinéraires spirituels. Toutes insistent sur ce lieu de la joie véritable et durable. Toutes décrivent aussi l’être humain comme une triade : le corps, l’âme et l’esprit. On retrouve aussi bien cette triade  en Orient qu’en Occident : dans les conceptions juives ou chrétiennes, mais aussi dans l’Inde ou le bouddhisme. Et si, comme le pensent Grégoire Palamas ou Pascal, l’esprit, ce centre invisible de notre être intérieur, se trouve dans notre cœur, nous pouvons réaliser qu’il est source de la valeur suprême : l’amour. Il s’agit finalement d’apprendre à méditer pour mieux savoir aimer. Et découvrir la joie qui monte des profondeurs.

François Gachoud

Jacques de Coulon : Les méditations du bonheur. Quarante exercices spirituels d’Orient et d’Occident. Ed. Payot-Rivages, 238 pp.

COULON-BONHEUR-LI-23-04-2011

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Pour Jacques de Coulon, découvrir la joie passe par l’éveil de l’esprit.

La démache spirituelle rejoint ici l’interrogation philosophique.

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