64 EXERCICES FANTAISISTES POUR REVEILLER L’ENVIE DE PENSER
Celles et ceux qui ont déjà découvert les 101 exercices de philosophie quotidienne, best-seller mondial traduit en 23 langues, vont sans doute se réjouir. Roger-Pol Droit récidive dans la même veine en nous livrant cette fois-ci 64 exercices fantaisistes, déconcertants et parfois délirants. Exercices résolument ludiques oui, mais dans le seul but de provoquer des déclics, des coups de pouces, des chiquenaudes susceptibles de réveiller en nous l’envie de poser de vraies questions philosophiques. Car l’étonnement reste aux yeux de l’auteur la source première de cette démarche.
On a essayé bien des portes pour mettre en route la pensée. Mais on a oublié, selon Roger-Pol Droit, que les portes savantes de traités difficiles destinés aux universitaires entretiennent une fausse idée. Celle selon laquelle la philosophie serait réservée à une élite, demeurant hermétique au commun des mortels que nous sommes. Conviction plus erronée encore : la philosophie serait une affaire exclusivement théorique, coupée de notre expérience quotidienne. Il faut, selon Droit, retrouver le chemin des gestes familiers et des situations concrètes, en somme la matière première de notre environnement immédiat. Ce sont les objets qui nous entourent, les paroles, les saveurs et les bruits, à commencer par l’odeur des fromages, l’inconvénient des embouteillages ou les pannes de nos appareils numériques quand ils nous déconnectent du monde. Mais pour quelle raison ? Parce qu’aucune question philosophique ne nous parlera vraiment si on ne l’a pas d’abord éprouvée dans son ancrage vivant, c’est-à-dire corporel, émotionnel, relationnel. Les théories et les livres viennent ensuite pour formuler, creuser, élaborer des structures porteuses de sens.
La méthode préconisée ? Introduire décalages et fissures dans nos routines, faire renaître le questionnement en perturbant nos repères, en cassant les codes de nos habitudes, en nous faisant sortir des chemins balisés, « non pas en exposant ds concepts, en expliquant des doctrines, affirme Droit, mais en proposant de minimes processus qui peuvent permettre de changer d’espace mental ».
Changer d’espace mental, c’est exactement l’effet produit par les 64 exercices proposés. Selon Droit, vous y découvrirez quantité de questions nouvelles que vous ne soupçonnez même pas, vous serez invités à partir vous-mêmes en quête de vos propres essais. Le plus opportun par ailleurs est que vous partagiez l’expérience avec des amis. C’est plus enrichissant, chacun sachant qu’à comparer nos perspectives et confronter nos idées, nous nous stimulons mutuellement. Exercez-vous par exemple à faire silence à plusieurs, à organiser un concours de surprises, à inviter des inconnus à dîner, à tout déconnecter, à fabriquer des éternités, à désapprendre une langue, à chercher ce qui ne finit jamais ou à tenter d’oublier votre nom. Une chose est sûre : en suscitant ces déclics fantaisistes, en fissurant votre monde familier avec ces exercices de trois fois rien, il va en sortir quelque chose qui mettra en route la pensée. Rien de plus, rien de moins, mais déjà pas mal.
En déclenchant ainsi l’insolite, l’incongru ou même l’insensé, Roger-Pol Droit tient donc le pari que ces jeux de l’esprit éveilleront le désir de comprendre ; que cette vue d’en-haut, en surplomb, par-delà le caractère désaxé de ces exercices, nous fera voir le monde autrement et lèvera le voile caché pour mieux nous faire voir finalement ce qui se passe derrière et à l’intérieur : la quête de nos raisons d’être au bout du compte…et joyeusement !
François Gachoud
Roger-Pol Droit : Petites expériences de philosophie entre amis. Ed. Plon, 172 pp
RPDroit-Lib.-7.12.12S’exercer au décalage sur mode ludique, c’est aussi, selon Roger-Pol Droit, une manière de découvrir la philo.