DEPENALISER TOUTES LES DROGUES ? UN INQUIETANT DEFI !
Pour un défi, c’est un défi ! En proposant de dépénaliser la consommation de toute drogue, sans plus distinguer les « dures » et les « douces », trois commissions mandatées par la Confédération jettent un beau pavé dans la marre et surprennent tout le monde. Car en novembre 2008, le peuple suisse avait rejeté la légalisation du cannabis. Mais certains députés et la majorité des membres de ces commissions n’en ont cure. Ils remettent ça et veulent tout bousculer en allant bien au-delà des avancées tentées jusque-là. Voici deux mois, quand le législatif zurichois accepta un postulat pour l’examen de la vente du cannabis sous contrôle de l’Etat, la réaction fut déjà vive. Elle ne le sera pas moins si la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues (CFLD) exige l’abandon de toute mesure pénale concernant la totalité des stupéfiants.
Est-ce grave docteur ? Les défenseurs de cette nouvelle politique pensent évidemment que non. En avançant surtout deux arguments : mieux vaut une vente libre contrôlée que la répression d’une part, et, d’autre part, il n’y aurait pas de bonnes et mauvaises dépendances.
Ces deux arguments sont des postulats. Et comme tout postulat, ils sont contestables. Le premier s’appuie sur des pratiques dont le résultat n’est pas du tout certain. Prétendre que la répression ne sert à rien est plus que douteux et son abandon donnerait libre cours à l’extension du marché : les mafias pourvoyeuses de drogues ne vont pas s’en priver ! Quant à prétendre qu’une vente contrôlée assurerait une protection efficace de la jeunesse, c’est non seulement à vérifier, mais c’est un risque considérable et surtout une contradiction : comment peut-on prétendre protéger les jeunes en leur ouvrant l’accès au libre marché ? Et puis, que signifie exactement une vente contrôlée ? Il ne suffit pas d’informer les jeunes sur les effets-méfaits du cannabis. Même quand ils les connaissent, beaucoup en consomment. La véritable prévention, c’est autre chose : c’est éduquer à la privation ! Car les drogues conduisent toutes à des dépendances durables si elles sont régulièrement consommées. Même le cannabis dont les taux de toxicité ont nettement augmenté et créent une dépendance psychique avérée. Mais voilà. Allez prêcher la privation en contexte d’hyperconsommation et de culte hédoniste où tous les interdits doivent être interdits !
Le second argument est proprement renversant. Le président de la CFLD, François van der Linde, n’y va pas par quatre chemins quand il avance l’idée que la société doit cesser de considérer qu’il y a de bonnes et mauvaises dépendances. On appréciera l’impératif « doit cesser ». Au nom de quoi ce décret ? Les dépendances seraient-elles indifférentes ? Le beau sophisme que voilà ! En mettant toutes les addictions dans le même sac – minimisant du même coup les plus graves – de la nicotine aux somnifères, en passant par l’alcool, les analgésiques, la caféine, y compris les drogues dures et douces sans distinction, on crée un incroyable amalgame et la pire des confusions. Bien sûr que l’alcool tue à long terme et à haute dose, mais en soi et modérément consommé, non. Tandis que l’héroïne, la cocaïne nuisent toujours à la santé, en soi et même modérément consommées. Va-t-on prétendre que notre café du matin, parce qu’il est un stimulant, crée aussi une addiction et que par conséquent, puisque tout est addiction, il ne faut plus rien interdire et légaliser les stupéfiants ? Ce sont le propos de F. van der Linde et consorts qui sont stupéfiants. Si c’est ainsi qu’on tient à remettre une fois de plus sur le tapis la question d’un grave problème de société, on se moque du bon sens et surtout du peuple. Car il a du bon sens, lui, et il s’est déjà clairement prononcé.
François Gachoud