QU’EST-CE QUE LA RESILIENCE ?
L’être humain a de tout temps été confronté à son propre malheur. Les souffrances, les épreuves n’ont jamais épargné personne et, comme disait Mauriac, « un homme qui n’a pas souffert n’a pas vécu ». Mais si cette réalité a toujours collé à notre condition d’homme, les réponses que ce dernier a tenté de donner pour conjurer un sort funeste a varié au cours de l’histoire. Sans en établir ici la liste exhaustive, on peut au moins en mentionner trois : les réponses de nature fataliste, culpabilisante et rédemptrice.
L’interprétation fataliste a couvert quasi toute l’époque antique : on n’échappe pas au malheur quand il est décrété par la volonté des dieux. Ces dieux dont on ne peut qu’apaiser la colère par des sacrifices. Notre destin est écrit d’avance et nous n’avons pas le choix. Cette conviction-là se retrouve dans la conception islamique.
L’interprétation culpabilisante est celle qui est liée au péché : l’être humain, parce qu’il fait le mal, cause lui-même son propre malheur et celui des autres. La souffrance est ici conçue comme une juste punition de la faute : il faut expier.
L’interprétation rédemptrice est propre à la religion chrétienne. L’homme est certes un pécheur, un pécheur responsable du mal qu’il commet. Mais le Dieu auquel il croit est un dieu d’amour. Il est miséricordieux. Ce Dieu pardonne, il ne punit pas. Mieux : il a lui-même expié le mal des hommes en mourant sur une croix. La résurrection du Christ, qui est Dieu fait homme, est une victoire définitive sur le mal et la mort. Et un jour nous ressusciterons ! Ce message exclut tout fatalisme et l’idée d’un Dieu qui punit. Il suppose bien sûr la foi en la résurrection.
Notons qu’aujourd’hui la plupart des gens pensent que le christianisme a proposé une interprétation plus culpabilisante que rédemptrice. Ils n’ont pas tort dans la mesure où, pendant longtemps, l’Eglise institutionnelle a trop culpabilisé les consciences et contribué à éclipser elle-même le véritable message rédempteur. Il convient de le rétablir d’urgence dans toute sa vérité ! Car beaucoup de chrétiens ne le perçoivent même plus.
Enfin, enfin émerge une conception nouvelle. Elle se trouve aux antipodes du fatalisme et de la conception culpabilisante. Elle est par contre compatible avec le message chrétien sans être pour autant religieuse. Proposée depuis quelques années par un neuropsychiatre devenu éthologue, Boris Cyrulnik, cette conception porte un nom : résilience. Que dit Cyrulnik ? En un mot, que le pire n’est pas toujours sûr, que les enfants brisés par la guerre, la misère, la violence, l’absence parentale, que ces accidentés de l’âme dont nous sommes quand le malheur nous accable, peuvent donner un sens à leur drame et rebondir. Rebondir, voilà ce qui détermine la résilience : nous ne sommes pas voués à la misère, au fatalisme, ni au désespoir quand nous sommes frappés par le sort. Il y a en nous une capacité réelle, non pas à effacer le malheur ni à le nier, mais à le surmonter pour en dépasser le caractère fatal et destructeur. Comment ? C’est toute la portée de l’œuvre de Cyrulnik qui trace des pistes, invente des stratégies de réponses, au travers de cas, de situations concrètes. Une œuvre à consulter pour connaître les clés de la résilience, à commencer par « Un merveilleux malheur » jusqu’à son dernier essai « Parler d’amour au bord du gouffre ». Lumineux ! Et loin de toutes les recettes de charlatans qui vous promettent de vous en sortir en consultant les astres, les cartes et autres prédictions mercantiles !
François Gachoud