QUEL PRINTEMPS POUR LES FEMMES ARABES ?
Dans la foulée de la journée internationale de la femme, les femmes du monde arabe se sont mobilisées. Elle ont publié un Appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité. A l’heure où l’on observe un retour marqué des islamistes après l’euphorie printanière des révolutions, c’est plus qu’un signe de réveil, c’est la résolution pour les femmes arabes d’une conquête à entreprendre. Car nous assistons à un double paradoxe. C’est bien au nom de la liberté et des principes démocratiques qu’il y a eu révolution au Maghreb, mais l’arrivée en force de partis d’obédience salafiste manifeste déjà une forme de main-mise contraire. D’autre part, la condition des femmes n’a pas fondamentalement changé alors qu’elles ont été nombreuses, en Tunisie, en Egypte, au Yémen, à être en première ligne du combat pour les droits démocratiques. Ces femmes ont parfois dû endurer des violences sans nom comme en Egypte où, sur la place Tahrir, certaines ont été soumises à des traitements infâmants.
Pour comprendre l’urgence et l’importance de l’Appel des femmes arabes, il faut se rappeler ceci : une Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a bel et bien été adopté en 1979 par l’ONU, mais les ratifications signées par la majorité des pays arabes sont restées sans impact réel sur leur statut. Pour une raison majeure : le référentiel religieux de l’islam est toujours et de fait incompatible avec les principes démocratiques. Ce sont des dignitaires religieux, c’est-à-dire des hommes qui en décident au profit des hommes. Ce discours idéologique cantonne donc systématiquement les femmes dans l’espace privé de la famille. Il dissout de facto leurs droits et libertés publiques. Au Maroc par exemple, pays pourtant jugé assez modéré, on admet que l’âge légal des femmes soit aligné sur celui de l’homme, soit 18 ans, mais le mariage des filles de 12-13 ans persiste sous l’égide exclusif du père, et la polygamie, si elle est interdite « lorsqu’une injustice est à craindre entre les épouses », ne l’est pas si le mari la justifie. Autant dire qu’en ces cas la femme n’a aucune chance de faire valoir ses droits. Il en est de même pour le divorce ou la tutelle sur les enfants. Certains pays arabes laissent par ailleurs ce qu’on appelle « les crimes d’honneur » totalement impunis, tolérant de fait à la parentèle masculine, père, frères, oncles, de tuer des filles qui ont été abusées sous prétexte que leur viol souille l’honneur du clan.
Dignité et égalité ne sont donc pour le moment que principes vides. D’aucuns penseront alors que l’Appel des femmes arabes est inutile. Mais en raisonnant ainsi, songeons que nous donnons fâcheusement de l’eau au moulin de tous les dignitaires d’un islam rétrograde qui ne demandent pas mieux. Et nous condamnons d’avance l’espoir légitime de millions de femmes qui aspirent enfin à la reconnaissance de leurs droits. Il est donc salutaire et urgent que nos institutions démocratiques soutiennent cet Appel. C’est ce que maints journaux d’Occident et des ONG ont fait. Ce n’est pas parce que des partis islamistes reviennent en force et revendiquent plus de pouvoir qu’il faut baisser les bras. C’est tout le contraire. L’heure est au soutien résolu des droits et libertés des femmes arabes. Au nom de leur dignité. Elles ont besoin que le monde libre les assure qu’elles obtiendront un jour cette reconnaissance. Après tout, nos pays d’Occident ont mis des siècles à y parvenir.
François Gachoud