En réflexion...

POUVOIR UN JOUR VIEILLIR CHEZ SOI

« La chaumière a un sens humain plus profond que tous les châteaux en Espagne », écrivait le philosophe Bachelard. Il le pensait en un temps où la vie était bien plus brève qu’aujourd’hui et l’on mourait entouré ses siens. Depuis, les choses ont changé. Car nous vivons plus longtemps et en meilleure santé. Les EMS ont fleuri dans nos communes et font le plein. Au point que les listes d’attente s’allongent.

Le temps est peut-être venu d’envisager une alternative à la multiplication des maisons de retraite. La forte croissance démographique des personnes âgées y invite, mais surtout un changement de vision s’opère. On prend de plus en plus conscience que la perspective de vieillir chez soi est un bien inestimable. Car le droit de choisir son lieu de vie correspond à nos aspirations profondes. Le premier centre de santé d’un population n’est-il pas son lieu de vie quotidien ? Face à une vision trop hospitalo-centriste, ne convient-il pas d’inverser la problématique en se demandant quelles sont les conditions qui assurent la meilleure qualité de vie et de santé possible ? L’idée de pouvoir vieillir chez soi en assurant ces deux conditions est un choix valorisant.

Bien sûr, il existe une dynamique institutionnelle qui joue en faveur des équipements en place. Il ne s’agit pas de renoncer aux EMS. Il s’agit d’innover, de mettre sur pied de nouvelles formules. Parce que la multiplication des maisons de retraite alourdit de plus en plus les charges de la collectivité. Mais aussi parce que le développement de l’accompagnement à domicile ne représente qu’une part très faible des dépenses du système de santé : moins de 5% en Suisse, selon les statistiques. Il existe donc une belle marge à exploiter. Avec le précieux avantage de correspondre à l’aspiration de plus en plus marquée des nouvelles générations. Elles sont devenues sensibles à la gestion d’une autonomie plus développée et durable. Sensibles aussi à l’histoire d’une vie de plus en plus longue, plus fortement enracinée par conséquent dans son environnement propre.

Le temps semble donc venu d’encourager et renforcer une politique de santé ouverte à cette évolution. Le canton de Fribourg en est conscient et envisage de promulguer une loi-cadre sur les personnes âgées en 2012. En attendant, des centres de coordination pour les prestations à prévoir sont à mettre en place afin de favoriser un meilleur maintien des personnes du troisième âge à domicile. Car il s’agit, comme l’a confirmé la conseillère d’Etat Anne-Claude Demierre, « d’envisager une approche globale qui valorise la personne âgée ». Il faut saluer dans le même sens la création par six associations fribourgeoises (dont Pro Senectute, la Croix-Rouge,  les associations faîtières de l’aide et soins à domicile) d’une communauté pour la défense des intérêts des aînés fragilisés et dépendants. Son nom : Fri-Age. Ainsi s’ouvre une palette de possibles qui vont des soins à l’accompagnement et au soutien, au maintien à domicile, le tout présupposant une collaboration étroite entre des services publics multiples et la participation de l’entourage familial. En coordonnant ces données complexes, on favorisera aussi la maîtrise des coûts de la santé, en allégeant la charge des EMS, des services hospitaliers, en assurant également une continuité dans la gestion du flux croissant des personnes âgées à soutenir et prendre en charge.

La prise de conscience fait peu à peu son chemin et on passe aux actes. Sur le plan économique, c’est une solution avantageuse. Sur le plan humain, c’est une solution heureuse. L’action socio-sanitaire de demain peut devenir porteuse de valeurs de proximité, d’échanges et d’intégration plus solidaires. Marchons par conséquent résolument dans ce sens !

François Gachoud

Pour lecture: Vieillir chez soi, c’est possible, de Hermann-Michel Hagmann, Ed. Saint-Augustin, Coll. Aire de famille, 104 p.

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