En réflexion...

LANZA DEL VASTO PHILOSOPHE ET SAGE

Daniel Vigne nous avait permis de découvrir voici deux ans ( cf. Liberté du 16.5.2009) comment se construisait l’oeuvre philosophique de Lanza del Vasto. En explorant pendant des années un vaste champ d’archives où se croisaient, sur des milliers de pages, thèses, manuscrits, carnets intimes, cahiers de notes, correspondance,  il nous proposait un premier  volume consacré à l’effort sensible de la pensée. Celle-ci donnait naissance aux arts et au savoir conçu comme science de la vérité. Le second volume expose le noyau central de l’œuvre : la métaphysique et l’ontologie.

Ce qu’il y a de tout à fait original, c’est la manière avec laquelle Lanza del Vasto explore ces domaines. La métaphysique s’occupe  de l’être en quête de l’esprit alors que l’ontologie propose le rapport inverse : l’esprit en quête de l’être. Ce qui conduit Lanza à cette double conception inédite : la relation devient le principe suprême de la philosophie car elle exprime les liens de l’esprit et de l’être ; du même coup, la philosophie elle-même se présente comme une « sagesse d’amour » puisqu’elle voit dans cette étreinte de l’esprit et de l’être la révélation de notre rapport le plus intime, le plus profond avec la vie et ce qui la constitue en son fond : l’amour.

Ce qui compte avant tout pour Lanza del Vasto, ce n’est pas la matière sur laquelle la pensée travaille, mais la manière dont l’esprit du philosophe travaille cette pensée. Il doit épouser son caractère dynamique et incarné, car la relation par laquelle le sujet s’inscrit dans le monde doit être vivante et sans cesse en train d’élaborer des rapports, rapports qui sont à déchiffrer. Ainsi, le moi vivant et personnel est-il fondamentalement et d’abord, non ce qui est pensé, mais ce qui est senti : « Je sens, je m’éprouve en relation aux personnes et aux choses, donc je suis ». Plus précisément encore, « je sens, donc je vis », car c’est par le côté sensible de l’esprit que je construis mes relations. Nous sommes là devant une vision trinitaire. L’esprit n’est pas seulement capacité de connaître, il est un équilibre relationnel entre le sens que cherche l’intelligence, la sensibilité qui fait signe et la volonté qui tend à se dépasser dans une quête sans fin : quête éthique vers le bien, mais aussi quête mystique qui nous porte à l’invisible et à l’infini.

La force et l’originalité de cette vision, c’est qu’aucun des binômes traditionnels ne peuvent être appliqués à l’esprit en quête de ses relations à l’existence : les oppositions entre sujet et objet, être et non-être, liberté et déterminisme, fini et infini, doivent être dépassées en étant repensées de façon relationnelle. On se trouve là devant une option philosophique ouverte à la créativité : l’homme est cet être capable de créer sans cesse de nouveaux liens et ces liens sont toujours enracinés dans l’expérience. Si l’esprit apparaît comme insaisissable dans la mesure où il n’est ni dans le temps ni dans l’espace puisqu’il les contient dans la pensée, il n’est jamais hors du monde. « Il fait corps avec les corps pour les rendre transparents à la lumière ». Autrement dit, il ne spiritualise le réel qu’en s’y incarnant. Ce qui ne l’empêche pas d’aspirer à une dimension qui dépasse notre condition, celle de la transcendance. Dieu nous échapppe, mais l’esprit y tend.

Les deux volumes désormais complets publiés par Daniel Vigne constituent une somme incontournable. L’œuvre immense de Lanza del Vasto nous est enfin accessible et la synthèse offerte par l’auteur représente la vision d’un grand sage. Il y a du bonheur à s’en inspirer.

François Gachoud

 

Lanza del Vasto : La relation infinie. La philosophie de Lanza del Vasto. Tome II : L’être et l’esprit. Ed. Cerf, 766 pp.

LANZA+BRANDOM-LI-28-05-pdf

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Daniel Vigne publie le second volume de la pensée du sage. Synthèse inédite.

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