FAUT-IL INTERDIRE LA BURQA ?
Le débat autour de la burqa est animé. Il prend même de l’ampleur au-delà de nos frontières. Le vote nettement majoritaire du parlement belge en faveur de l’interdiction de dissimuler son visage, quel qu’en soit le motif, l’atteste. La France et l’Allemagne sont aussi sur le point de légiférer en ce sens. En Suisse, le canton d’Argovie se prononce déjà en faveur de l’interdiction et les déclarations pour le moins radicales, voire extrémistes, de Nicolas Blancho et de son Conseil islamiste qui poussent à introduire une forme de juridiction parallèle à notre Constitution, sont perçues comme incompatibles avec elle ; elles sonnent même comme une menace pour la paix religieuse.
Pour clarifier, commençons par affirmer que la tradition du port intégral du voile, burqa ou niqab, n’est nullement inscrite dans le Coran et bien antérieure à la fondation de l’Islam. Mais si elle s’étend aujourd’hui aux pays d’Occident, c’est parce que des tendances fondamentalistes et radicales de l’Islam s’en emparent, manifestant une volonté bien visible d’affirmation identitaire qui frise la provocation. D’où le problème.
Derrière le port du voile intégral, se pose en fait une double question : celle du libre choix de la femme et celle de sa dignité. Quant au libre choix, on peut se demander si la burqa n’est pas d’abord un signe de soumission et d’aliénation de la femme plutôt que le fait de sa réelle liberté. On sait assez dans quel contexte ces femmes vivent. Il n’y a pas reconnaissance de leur droit à l’égalité : répudiation possible de la femme par le mari, mariage forcé dans bien des cas, interdiction d’épouser un non-musulman, sans compter le statut d’infériorité généralisé de la femme par rapport à l’homme.
Se pose donc la question de fond : celle de la dignité de la femme liée à son statut. Or, sur ce point, nous ne pouvons pas transiger. Le droit à l’égalité est une question de principe. L’introduction d’un droit parallèle, au nom d’une fausse application de la tolérance religieuse, doit être résolument écarté. Nous avons le devoir de défendre la dignité intégrale de la femme, quelle que soit son appartenance ethnique ou religieuse. Toute forme de régression sur ce point doit être refusé et il y a encore à faire (pensons par exemple à la pratique de l’excision qui concerne encore nombre de femmes en Suisse).
La question de la dignité de la femme est aussi étroitement liée à la reconnaissance de sa valeur de personne. C’est sans doute là ce qui choque le plus. Car le signe le plus manifeste de la reconnaissance d’une personne, c’est son visage. Le fait même de le dissimuler annule sa présence, sa reconnaissance possible et détruit le signe. Nous ne sommes plus en contact avec une personne, mais avec un masque. Sans compter que n’importe qui peut ainsi dissimuler son identité en vue de commettre un forfait. Ce qui pose un autre problème : celui de la sécurité publique.
A l’heure qu’il est, il n’y a pas encore urgence. Les femmes porteuses du niqab sont très peu nombreuses en Suisse. Il faut, du moins pour l’instant, dialoguer, inciter les musulmans modérés à tempérer une éventuelle extension du phénomène. Mais s’il s’amplifie, n’hésitons pas à légiférer pour interdire toute forme de déguisement dans l’espace public ( sauf exception comme le carnaval ou le cas de touristes de passage). C’est une question de principe. Au nom de la dignité.
François Gachoud