En réflexion...

BOTELLONES : ILS OUBLIENT DE VIVRE !

« C’est extrême, oui, mais c’est la norme ! » Déclaration abrupte, péremptoire et pour le moins difficile à croire. Ainsi s’exprimait un jeune homme adepte des soûleries collectives  qui font désormais tache d’huile un peu partout sous l’égide du phénomène « BOTELLON » exporté d’Espagne.

Cette déclaration est bel et bien révélatrice d’un aveu, celui d’une jeunesse en proie à un dérive d’autant plus inquiétante  qu’elle ne perçoit plus la différence entre la transgression de l’interdit et la norme nécessaire à un minimum d’équilibre dans la gestion de sa dignité. C’est la transgression elle-même qui est ici érigées en norme ! On nage en pleine confusion, le seul  but étant de s’éclater à l’extrême. La norme a disparu. La norme, c’est-à-dire le sens des limites qui indiquent jusqu’où ne pas aller au risque de se perdre. La norme, c’est-à-dire une certaine perception des valeurs qui sont indispensables au respect de soi.

Bien entendu, il faut se garder de généraliser. Une large majorité de jeunes n’en sont pas là. Ils savent distinguer quelles sont les valeurs et les normes qui font sens et les moments de défoulement joyeux qui ont toujours fait partie des manifestations de leur âge. Mais en l’occurrence, le phénomène « botellon » est différent. Car il érige le culte de l’extrême en norme. Il ne s’agit pas de se trouver occasionnellement en situation de prendre une cuite, il s’agit de la privilégier, de l’organiser systématiquement et collectivement. C’est en quoi le phénomène est nouveau et fait problème.

La question qu’on se pose est certes de savoir quelles mesures, quel remède adéquat les aprents et la société se doivent de proposer pour jugules le phénomène. Mais pas seulement. Car il y va ici d’une inversion profonde de la perception de la vie elle-même. Si en effet vivre consiste à s’éclater, à se défoncer à tout prix, on en vient à se fuir soi-même, à s’abîmer dans la dépendance. C’est-à-dire finalement à oublier de vivre ! La soûlerie collective signifie en fait qu’on n’a plus envie d’embrasser la vie dans toute sa valeur et dignité, mais de la consommer, de la vider de sa substance. C’est le contraire d’une vie promesse de réalisation de soi, de découvertes et de richesses. C’est une vie dépensée, puis jetée comme les kleenex après usage.

Il ne faut pas se voiler la face. Encore moins minimiser le phénomène en prétextant que la jeunesse a toujours commis des excès. Là, il s’agit bien d’une inversion systématique des valeurs, d’une négation du sens de la vie elle-même.

Quelle attitude adopter alors, quelles mesures prendre ? Il ne suffira pas d’interdire les rassemblements de jeunes qui veulent se défoncer. Il faudra travailler en amont à une réforme comportementale de la société elle-même et de son culte effréné du « tout tout de suite et sans limites ». C’est notre société elle-même qui est malade de la perte de sens et les jeunes en reproduisent mimétiquement les inquiétants symptomes. Le phénomène « botellon » n’est au fond qu’un des reflets de cet état de fait. Il faudra décidément et résolument repenser les fondements de l’éducation. De l’éducation au sens de la vie.

François Gachoud

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