POESIE MINERALE
J’ai aimé pour ma part pratiquer le rocher découpé des arêtes. Elles dessinent constamment dans le ciel une succession de dentelles de pierre qui n’en finissent pas de projeter leurs pointes. Quand on les gravit l’une après l’autre, on éprouve l’impression ludique de jouer à saute-moutons dans le ciel et l’on goûte en même temps le plaisir sans pareil d’en disposer à sa guise avec l’envie manifeste que le jeu ne s’arrête plus. Si l’on y ajoute toutes les sensations visuelles qui font plonger nos yeux sur les variations continuelles de la paroi qui fuit sur ses deux versants, on peut aisément mesurer toute l’étendue de cette jouissance.
Par la glace, la montagne devient miroir. Miroir de lumière. Remontez lentement un glacier au lever du soleil. Vous y verrez naître la prise de possession du monde par la lumière. Quand la glace est à nu, elle offre toute la palette des nuances du bleu. Il y a le bleu transparent de la surface où l’eau, issue de la fonte, se met à courir en de minces sillons qui cherchent leur voie parmi les poussières de roche qui collent à sa peau. Il y a le bleu cassé de la chute de séracs qui vous surplombent et laissent pencher leurs tours inégales comme si elles vous rendaient hommage. Il y a le bleu profond de crevasses sans fond prêtes à refermer sur elles-mêmes le secret fabuleux de leur gouffre.
Le Weisshorn dans sa majesté