DES ARMES A LA MAISON ?
L’initiative proposant l’abandon de l’arme militaire à domicile suscite un débat où le passionnel et l’émotionnel prennent souvent le dessus. On irait pour certains opposants jusqu’à remettre en cause notre identité helvétique et même notre démocratie. Il y a disproportion. Disproportion entre le fait de détendre une arme chez soi et ce qu’on invoque pour en défendre la pratique. L’arme devient soudain un puissant symbole des droits et devoirs du citoyen, de l’indépendance helvétique, du rôle de l’armée de milice ; ultime rempart contre une menace extérieure, elle incarnerait la confiance nécessaire à l’unité du peuple. Ueli Maurer, ministre de la défense, va jusqu’à parler de l’arme comme expression du sacrifice : « On attend de chaque soldat qu’il se batte pour son pays et qu’il soit prêt à lui donner sa vie ».
Sommes-nous franchement aujourd’hui dans pareille situation ? Ne sommes-nous pas en train d’accorder aux armes – qui sont et restent symbole de violence et de mort – de miraculeuses vertus qui n’ont rien à voir avec l’intention de l’initiative ? C’est la prévention de suicides et de tragédies familiales qu’elle vise. Et si son acceptation pouvait sauver quelques vies et ce sera sans doute le cas, ce serait déjà une victoire de la protection de la vie, de la valeur que chaque vie représente. C’est là le sens de l’initiative. Pourquoi le chercher ailleurs ?
La seule raison valable qui justifie l’armée suisse est la légitime défense contre un envahisseur potentiel. Que l’arme soit en ce cas à domicile ou à l’arsenal ne joue qu’un rôle mineur et l’hypothèse d’une menace sur notre pays est très improbable dans le contexte actuel.
Cela étant, on peut avancer quelques propositions simples. Le serment du Grütli ne fut pas un fait d’arme, mais un pacte moral. La force de résistance de la Suisse pour préserver son indépendance au cours de son histoire n’a pas été le fait d’armes de combat, mais de sa volonté morale, de son courage, de sa solidarité. L’indépendance et la protection de la Suisse pendant la deuxième guerre mondiale doit tout à sa neutralité, à l’organisation et à la vigilance de son armée, et rien à la possession d’armes à domicile. Elles auraient été à l’arsenal que cela n’aurait rien changé. Jamais une arme à domicile n’a empêché jusqu’ici une attaque ou des crimes commis sur notre territoire. Et jamais l’armée suisse ne s’effondrera parce que les armes militaires seront déposées à l’arsenal. Quant à ceux qui s’en soucient tant comme les chasseurs et les adeptes du tir, ils pourront poursuivre leurs activités.
Remettons les véritables valeurs à leur juste place et votons en mesurant les vrais enjeux !
François Gachoud