En réflexion...

JUSQU’OU VA LE DON DE SOI?

JUSQU’OU VA LE DON DE SOI ?

 

Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a bouleversé la France et toutes celles et ceux qui ont salué son courage exceptionnel. En prenant la place d’une otage détenue par un djiadiste, il lui a sauvé la vie. Mais il a perdu la sienne, égorgé de sang-froid au nom d’Allah. Nous sommes là face à un événement qui fera date parce qu’au cœur de la série des attentats qui visent toujours des innocents, le geste d’Arnaud Beltrame va manifestement au-delà de son acte exemplaire : il incarne désormais la figure symbolique du sacrifice.

 

La presse a certes souligné le sens du devoir de Beltrame, mis en valeur le caractère unique de son courage, salué en lui un héros. Tout cela est vrai. Mais si le héros va jusqu’au sacrifice de sa vie en la donnant pour une cause, il convient surtout d’affirmer qu’il l’a fait pour sauver une vie, celle d’une femme, caissière dans un Super U de Trèbes dans l’Aude. Quant au sens qu’il a voulu donner à son acte, c’est clairement le sens chrétien. Il paraît en effet manifeste que Beltrame savait pertinemment ce qu’il risquait. Mais il n’a pas hésité. C’est un premier point à souligner. Ensuite, on peut se demander ce qui l’a motivé. Le sens du devoir certes. Mais quand on décide de se substituer à une otage et qu’on se trouve face à un terroriste dont on sait pertinemment qu’il a l’intention de tuer, c’est qu’on a accepté de mourir. Et alors la question qui se pose n’est pas seulement pourquoi, mais aussi pour quiva-t-on jusque-là. Il est évident que Beltrame a bel et bien eu l’intention de sacrifier sa vie pour en sauver une autre. Le seul terme qui convient pour qualifier cet acte est donc bien celui de sacrifice.

 

On peut maintenant se demander d’où lui est venue cette conviction si rare ? On le sait maintenant. Beltrame allait se marier en juin. Il avait rencontré Marielle voici deux ans et tous deux avaient décidé de bénir leur union devant Dieu. On sait aussi qu’à l’âge de 33 ans, c’est-à-dire plus de dix ans auparavant, Beltrame avait découvert la foi chrétienne en fréquentant l’abbaye cistercienne de Timadeuc dans le Morbihan. Il y faisait des retraites régulières qui ont renforcé ses convictions de foi. Une foi qui avait profondément mûri durant ces dernières années jusqu’à prendre toute la mesure de ce qu’elle peut impliquer. Impliquer quoi ? Je crois qu’on peut répondre ceci : accepter d’aller jusqu’au sacrifice de soi au sens chrétien répond à un précepte du Christ d’une exigence inouïe: « Le plus grand amour, c’est de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Si ce précepte était demeuré une formule simplement théorique, qu’aurait-il valu ? Pas grand chose. Sans doute le Christ ne l’aurait-il pas proclamé s’il n’avait lui-même donné l’exemple. C’est bien en donnant sa vie en sacrifice qu’il a incarné ce précepte, attestant par là que si la religion chrétienne est une religion fondée sur l’amour, tout chrétien peut être appelé un jour et selon les circonstances à ce qu’on appelle le martyr, c’est-à-dire l’acceptation de mourir pour sauver une autre ou plusieurs vies. Tel est l’acte d’amour par excellence, car on ne peut pas donner plus que sa propre vie comme preuve de son amour. Il y a quelques années, les moines de Thibirine en Algérie ont accepté le martyr. Ils ont été exécutés par un groupe terroriste comme Beltrame a été exécuté par son bourreau. Il a eu le courage exceptionnel d’aller jusqu’au bout de sa foi pour sauver une vie humaine. Beltrame ne connaissait même pas cette femme. Mais il n’a pas hésité. Et ça, c’est absolument unique et exemplaire.

 

Les terroristes, eux, quand ils exécutent des innocents, proclament qu’ils sont des martyrs qui agissent au nom d’Allah. On mesure par là la monstruosité de leur geste. C’est monstrueux parce qu’ils inversent le sens même du martyr : ils proclament que les bourreaux sont les martyrs et les innocents les coupables. On se trouve au comble de l’absurdité et de la cruauté. Car le martyr, c’est toujours la victime, jamais le bourreau. Elle est là la source du terrorisme islamiste. Il n’y en a pas d’autre. Raison pour laquelle l’éradication totale de ce fléau est un impératif absolument prioritaire pour tous et partout.

 

François Gachoud

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