En réflexion...

Extrait 1

PRELUDE

Aussi loin que mes souvenirs remontent, la montagne a habité mon cœur. J'y ai planté des racines, sans même en prendre conscience, il y a longtemps. C'était au temps de mon enfance. Au temps où mon père m'emmenait sur les hauteurs « pour admirer, disait-il, la beauté de l'univers ».

Je portais sur ces montagnes un regard ébloui. Elles me paraissaient tellement inaccessibles. Et puis, si hautes, si majestueuses...tellement plus que le jour où je pus, beaucoup plus tard, les approcher, puis les gravir.

Je crois qu'il y a toujours dans le regard d'un enfant la secrète prescience intuitive de ce qu'il attend. Il y a aussi dans ce regard la marque d'une expérience première, sans antécédent. L'âme de l'enfant est comme cette page blanche où s'écrivent les premières lettres de l'alphabet de sa vie. Elle est encore vierge, pure de tout ce qui peut l'altérer. Elle va tout droit à la vérité, à la beauté de ce qu'elle découvre et admire.

Ce fut ainsi que la montagne me parla. Elle inscrivit en moi sa langue. Elle m'incorpora à son mystère, épela pour moi les premiers mots de sa syntaxe, m'éveilla aux émotions premières.

Ses pouvoirs me conduisirent très naturellement à la fréquenter. Je la trouvais magique, mais exigeante aussi. Car je perçus très vite qu'il fallait savoir la mériter. Elle ne se donnerait pas sans respect et sans attention. Il fallait apprendre à la conquérir. A l'apprivoiser avec patience. Autant de conditions nécessaires à son dévoilement. A la révélation de sa beauté.